dimanche 6 mars 2022

Périple, l'incroyable odyssée

Lu hier : « Après un difficile périple en autocar à travers l’Europe, la délégation ukrainienne est, elle, arrivée mercredi en avion à Pékin » (Le Quotidien/AFP)

Heureux qui comme « périple » a fait un beau — et long — voyage… Voilà en effet un terme qui a vu du pays depuis sa mise à l’eau, il y a bien, bien longtemps. Vieux loup des mots, Alain Rey retrace dans son Dictionnaire historique de la langue française les pérégrinations de ce vocable « emprunté au latin periplus (navigation autour d’une mer, d’un continent), lui-même emprunté au grec periplous 
 » […]« composé de peri (autour) et de plous (navigation), dérivé de « plein » (naviguer) qui appartient à une famille de mots indoeuropéens dont font partie le russe plavati (nager) et le verbe impersonnel latin pluit (pleuvoir), nous explique-t-il. […] Par extension, il est employé couramment à propos d’un déplacement sur terre, qu’il soit ou non circulaire, emploi abusif aux yeux des puristes, constituant un synonyme pédant ou plaisant de circuit, tour. » 

À l’instar du fondateur de la maison Robert, bon nombre de linguistes continuent à naviguer vent debout contre la dérive du mot « périple », aujourd’hui employé à tort et à travers pour désigner tout type de voyage, de cheminement un tant soit peu chaotique. Ainsi, peut-on lire fréquemment dans la presse des phrases du type de celle-ci : « De retour au championnat ce vendredi à Cherbourg, les Sélestadiens n’entendent pas rentrer bredouilles de ce long périple » (Dernières Nouvelles d’Alsace). Sélestat-Cherbourg, 679 kilomètres si j’ai bien compté, par avion, en train ou au pire en autocar, vous admettrez qu'il y a pire comme aventure. 

D’éminents capitaines de vaisseau de la langue française ont depuis longtemps baissé pavillon face à la vague d’emplois abusifs rencontrée. Pour justifier le glissement de sens de « périple », Joseph Hanse se réfugie derrière le fait « que d’excellents écrivains » (seraient-ils insubmersibles face à l’erreur ?), aussi bien que l’usage courant » (vous savez, celui qui a le chic de nous mener en bateau), « emploient le mot pour n’importe quel voyage de longue durée, qu’il soit fait ou non par mer, qu’il soit circulaire ou non ». Il n’en fallait pas plus pour que Littré, pourtant connu pour son esprit conservateur, « valide » l’acception élargie « long voyage », « naguère critiquée », mais « aujourd’hui passée dans l’usage », plaide le complaisant Larousse. 

Est-il pour autant bien raisonnable de qualifier de « périple » l’incroyable odyssée qui vous a vu, l’autre jour, accéder au seuil de la boulangerie de la rue du Petit-Navire, actuellement en travaux ? 
Ulysse, si tu nous écoutes...

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