Une fois encore, je vais m’autoriser une légère entorse à la règle qui veut que je m’appuie sur l’actualité locale des derniers jours pour vous infliger mes billets quasi quotidiens. Mais l’affaire est grave. Jugez-en plutôt ! Hier, au moment où je sortais du four la baguette blanche, molle, et réchauffée achetée dès potron-minet, ma charmante femme a eu la savoureuse idée de se planter devant son émission préférée (à égalité avec The Voice, Les reines du shopping et L’amour est dans le pré) : La meilleure boulangerie de France.
Souvenez-vous, je vous en ai déjà parlé, vous qui ne la regardez pas. Quoi qu’il en soit, si je veux bien croire qu’ils soient les rois de la baguette au levain et du millefeuille marbré, nos deux sympathiques animateurs ont encore du pain sur la planche en matière de maîtrise du français. Pour reprendre une expression dont ils sont friands, « il y a tous les ingrédients, mais » souvent « ils ne sont pas dans le bon ordre ».
Bruno Cormerais, MOF et fier de le dire, ne perd jamais une occasion de « revisiter » la langue de Molière et de nous servir à longueur d’émission son mot signature, l’adjectif « gustatif », dont notre Jean-Marie Bigard du fournil fait tantôt un nom, tantôt un adverbe, tous les deux, je le précise, étant bien sûr absents des grandes enseignes du français correct. Morceaux choisis :« Le gustatif, c’est pas ça », « gustativement, c’est excellent » et ma préférée, « gustativement, le goût est bon »… Ça se mange sans faim.
« Gustatif » n’est pas le premier adjectif à subir un tel sort. Visuel, virtuel, numérique, digital, qualitatif et tant d’autres ont franchi le Rubicon sous les yeux noirs des Académiciens mais sous l’aile protectrice des dictionnaires usuels. Comme toutes les infractions langagières qui transitent par le petit écran, l’emploi erroné de « gustatif » ne devrait donc pas tarder à se répandre dans l’usage telle une crème chantilly qui a pris la chaleur. En témoigne cet extrait d’article lu récemment dans les colonnes du quotidien régional Midi Libre : « Amateurs ou professionnels siègent donc côte à côte, les narines ouvertes et les papilles attentives, pour noter avec sérieux chacun des quinze échantillons qui leur a été proposé de déguster durant leur cession et ce, selon quatre critères : le visuel, l’olfactif, le gustatif et l’appréciation générale. »
Pas sûr que cela soit du meilleur goût.
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