Il a beau avoir la soixantaine bien tassée, l’éclectique Eric Magamootoo cultive un goût évident pour les formules à la mode. Car pour être un homme (ou une femme) d’aujourd’hui, il faut savoir casser les codes, aligner les planètes, sortir de sa zone de confort, mais aussi… bouger les lignes. Et à défaut de le faire, il est de bon ton de le dire.
Mais à propos, de quelles lignes parle-t-on ? Des lignes de conduite, si difficiles à tenir, des lignes blanches, si tentantes à franchir, des lignes éditoriales, si faciles à détruire ? À vrai dire, rien de tout cela. L’expression trouve son origine dans un poème de Charles Baudelaire intitulé La Beauté, tiré des Fleurs du mal.
Mais à propos, de quelles lignes parle-t-on ? Des lignes de conduite, si difficiles à tenir, des lignes blanches, si tentantes à franchir, des lignes éditoriales, si faciles à détruire ? À vrai dire, rien de tout cela. L’expression trouve son origine dans un poème de Charles Baudelaire intitulé La Beauté, tiré des Fleurs du mal.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les lignes évoquées par Baudelaire dans ce sonnet sont celles de la Beauté, froide, éternelle et immuable, qui ne saurait supporter ni rires, ni pleurs, ni toute autre expression des sentiments susceptible d'altérer sa pureté.
Il fallut attendre plus d’un siècle pour voir l’expression remise au goût du jour. Lors d’une interview accordée en 1984 au journal Libération, François Mitterrand, à qui l’on demandait si les conservatismes de gauche étaient en train de se renforcer, eut la réplique suivante : « Mais non, mais non ! [...] Qu’il y ait des scléroses un peu partout, mais c’est la vie ! Elle n’épargne ni l’esprit, ni le corps. La noblesse de l’homme est d’aller quand même de l’avant, de rester disponible. J’aime le mouvement qui déplace les lignes. »
Les critiques ne manquèrent pas de faire remarquer que « Tonton » avait lui aussi déplacé les lignes, d'abord en écorchant le vers originel, mais aussi en l’employant à contresens.
Peu importe. D’abord reprise par bon nombre de personnalités politiques, l’expression va ensuite se diffuser dans l’usage courant sous la forme « faire bouger les lignes », jusqu’à connaître aujourd’hui le succès que l’on sait au sens de « provoquer une rupture avec la tradition, bouleverser les habitudes », en un mot,… « casser les codes ».
Que Baudelaire semble loin… Même en essayant de lire entre les lignes.
Que Baudelaire semble loin… Même en essayant de lire entre les lignes.
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