jeudi 7 avril 2022

Jeune Guyanais ou jeune guyanais ?

Lu ce matin : « Cocaïne: les 2 jeunes guyanais arrêtés à Gillot ont été relaxés cet après-midi » (lequotidien.re)

Un petit rappel, qui n’a rien de vaccinal celui-là, il paraît que c’est déjà démodé en cette période de retour à la vie d’avant où l’on passe à nouveau partout sans devoir montrer son QR Code tout blanc. 
Les gentilés (ou ethnonymes), autrement dit les noms désignant les habitants d’une commune, d’une région, d’un pays, voire d’un continent, prennent une majuscule. On écrira donc un Dionysien, un Réunionnais, un Français, un Européen… et un Guyanais, pour reprendre l’extrait d’article ci-dessus. 
En revanche, la minuscule s’impose si ces termes désignent une langue ou sont employés sous leur forme adjectivale. Exemples : le français se parle dans de nombreux pays (29 de façon officielle), des amis réunionnais. Enfin, dans les expressions du type « je suis Français » ou « je suis français », c’est selon votre bon vouloir, « français » (ou « Français ») pouvant être considéré comme un nom, mais aussi comme un adjectif. Dans le premier cas, vous userez naturellement de la majuscule, pas dans le second. 

Mais quid de l’expression « jeune Guyanais (ou guyanais) » dans laquelle chacun des deux termes peut aussi bien être un nom qu’un adjectif ? Est-ce le jeune qui est guyanais ou le Guyanais qui est jeune ? Est-ce un jeune d’origine guyanaise ou un Guyanais appartenant à une tranche d’âge allant de 0 à… ans (je vous laisse le soin de combler l’espace vide). 
Si la question mérite que l’on s’y attarde, ne comptez pas sur les fameux ouvrages de référence, passés maîtres en matière d’évitement, pour y apporter une réponse. Tous vous diront bien que « jeune » et « français » (ou Français) peuvent être nom ou adjectif, mais aucun ne vous suggérera le mode d’emploi à suivre lorsque les deux mots se trouvent associés. 

Tous, sauf au moins un. Car à force de chercher, j’ai fini par trouver un audacieux qui n’a pas eu peur de se mouiller, en l’occurrence Jean-Pierre Colignon. Dans son très instructif Dictionnaire orthotypographique moderne, notre courageux Gaulois (où courageux gaulois ?) nous rappelle dans un premier temps que « lorsque les gentilés sont employés adjectivement, il n’y a pas de majuscule », évoquant ensuite « cette jeune Polonaise » qui « a été naturalisée », ce qui nous va bien sûr droit au cœur. Certes, Colignon ne pousse pas la témérité jusqu’à préciser si la demoiselle a été naturalisée française ou Française… mais ne nous montrons pas plus royaliste que le roi de la typographie française. 

Faute de règles sur lesquelles s’appuyer, l’usage a dû bâtir sa propre religion. Aujourd’hui, la tendance veut que Français, Réunionnais, Guyanais, etc., jouent le rôle du nom et prennent donc une majuscule, « jeune » endossant fort logiquement la fonction d’adjectif, sur le modèle de « jeune femme », « jeune homme » ou « jeune c…avalier ». Quoi, chers parents ? Ce n’est pas le mot auquel vous pensiez ?

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