lundi 30 mai 2022

Ce goulot qui refoule

Lu ce matin : « L’UEFA explique que le désordre a été causé par un problème de «billets contrefaits» causant des goulots d’étranglement (…) (Le Quotidien/AFP)

Je vous ficherais mon billet qu’il y a encore ici et là quelques linguistes avides de se pousser du col qui continuent de mener bataille contre l’expression « goulot d’étranglement ». Adolphe Thomas et Michel de Toro (Dictionnaire des difficultés de la langue française, 2007) ou Jean Girodet (Pièges et Difficultés de la langue française, 2008) furent naguère de ceux-là. D’autres, à l’instar de Daniel Péchoin et Bernard Dauphin (Le Dictionnaire des difficultés et pièges de la langue française, 2014) ou de la maison Larousse, se bornent à nous conseiller de lui « préférer son paronyme ‘’goulet d’étranglement’’. 

Si, au fil du temps, leurs chemins se sont séparés, « goulot » et « goulet » sont des dérivés du même mot : le vieux français « goule », forme ancienne de « gueule ». De la poule ou de l'œuf, « goulet » fut le premier, nous explique Alain Rey. Apparu au XIVe siècle, le mot a d’abord le sens général d’ « ouverture étroite ». Il a ensuite « désigné un ruisseau, puis l’embouchure d’un cours d’eau, la partie étroite d’une bouteille, sens déjà vieilli au XVIIe siècle ». Il « prend au XVIe siècle les sens de ‘’passage étroit’’, ‘’entrée étroite d’un port’’ et est utilisé comme terme technique, terme de pêche (‘’ouverture d’une nasse’’). Au XXe s., goulet s’emploie au figuré dans ‘’goulet d’étranglement’’ (1959). » Fin de l’histoire.

« Goulot », lui, ne voit le jour qu’au XVe siècle. Il « n’est plus utilisé au sens de « passage par là où l’eau s’écoule », note l’auteur du Dictionnaire historique de la langue française, « mais on dit cependant, outre goulet, goulot d’étranglement, alors senti comme une métaphore du sens ‘’col de bouteille’’, (…) « valeur du mot en français contemporain ». 

De nos jours, les expressions « goulet d’étranglement » et « goulot d’étranglement » s’emploient sans distinction de sens, le premier faisant toutefois référence à une entrée étroite d'un port ou d'une rade, un passage étroit dans les montagnes; le second, au col à entrée étroite d'une bouteille, d'un vase. Au figuré, elles désignent un « ensemble d’obstacles, d’épreuves difficiles à surmonter, et qui retarde un processus ou limite une évolution (Larousse) ».

Bien qu'aux yeux des puristes, il appartienne à un registre relâché, « goulot » a presque supplanté « goulet » dans le langage courant. L’Académie, Grevisse, Hanse et Larousse, pour ne citer qu’eux, font état du phénomène sans toutefois s’y attarder. 
« Goulet » refoulerait-il à ce point du goulot ?  

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