vendredi 3 juin 2022

Conflit d'intérêts

Lu il ya deux jours : « Rien ne remplace la compétition. Il y a forcément des affiches, car les meilleures équipes sont dans les meilleures ligues (divisions), et pour le public, il y a plus d'intéressement quand il y a un objectif de finir premier. » (Le Quotidien/AFP)

Ceux qui pensent encore qu’en football l’argent ne fait pas le bonheur se trompent. Transferts aux montants exorbitants, recettes publicitaires et droits TV pharaoniques, le monde du ballon rond brasse aujourd’hui des milliards d’euros que contribuent à alimenter les spectateurs au prix de l’achat de billets d’entrée souvent… hors de prix. Aussi, parler d’intéressement du public me semble-t-il à tout le moins relever du contresens. J’ai bien peur que dans la précipitation, mon honorable confrère se soit pris les crampons dans la pelouse de la sémantique. Plutôt qu'un improbable sentiment de cupidité des fans, sans doute voulait-il évoquer l'intérêt de ces derniers à aller assister aux ébats sportifs de leurs stars favorites…

Tout cela pour dire qu'ils ont beau être issus de la même famille, les substantifs « intéressement » et « intérêt » ne sont pas synonymes. Le premier, aperçu pour la première fois dans la langue française au milieu du XVe siècle sous l'acception « somme allouée pour un service », a ensuite connu une longue traversée du désert avant de réapparaître au siècle dernier, en économie, « pour désigner le fait d’intéresser financièrement le personnel aux résultats d’une entreprise », relate l’Académie française. Une définition que les sages du quai de Conti assortissent d’une mise en garde : « On se gardera bien d’imiter les quelques auteurs qui en ont fait un synonyme grandiloquent d’intérêt au sens d’’’attention’’ ou de ‘’curiosité qu’une chose éveille dans l’esprit et qui incite à vouloir la mieux connaître ».

Si Larousse et Robert ont apparemment entendu le message et s’en tiennent toujours à la seule définition d’ « intéressement » admise par les Immortels, Littré, pourtant pas le plus dissident de la bande, y voit aussi la « curiosité, le fait de prêter son attention à quelque chose ». Exemple : « l’intéressement d’un élève pour son cours de mathématiques ». Voilà qui est intéressant ! 

Certes, dans les milieux économiques, les deux termes peuvent parfois être étroitement liés. Après tout, l’intéressement n’est-il pas la matérialisation d’un intérêt financier et au pluriel, les intérêts ne sont-ils pas les dividendes d'une forme d'intéressement ? 
Pour éviter toute confusion, je vous encourage cependant à réserver « intéressement » aux histoires de gros sous et à ne pas le substituer abusivement à « intérêt » au sens de l'attention que l'on porte à quelqu'un ou quelque chose . À noter que « ces conseils valent aussi, bien sûr, pour le couple désintérêt / désintéressement », concluent les Académiciens. 
Sage recommandation. Quel intérêt y aurait-il à ne pas la suivre ? 

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