mercredi 8 juin 2022

Accord à revoir

Lu il y a deux jours : Deux élèves de l'École des créateurs, Enzo Perret, 17 ans, et Titouan Pottier, 15 ans, se sont vus décerner le premier prix national du concours Jeunes reporters pour l'environnement, dans la catégorie Lycée 15/18 ans lors de la cérémonie de remise des résultats, le vendredi 3 juin 2022. (Imaz Press Réunion)

Ce n'est pas un scoop : la langue française n’est jamais avare en difficultés. Le cas qui nous occupe aujourd’hui est là pour nous le rappeler puisqu’il fait référence à l’une des règles les plus obscures, les plus mal connues, pour ne pas dire les plus méconnues de notre gauloise de grammaire. Comment accorder le participe passé d'un verbe employé pronominalement, en l'occurrence 
« voir », quand il est suivi d’un infinitif ? 

Dans un premier temps, assurez-vous que l’infinitif en question est bien adapté à la situation. Doit-on écrire « se voir menacer » ou « se voir menacé » ? Que nous disent les grammairiens ? Que si l’on souhaite mettre l’accent sur une action en cours, l’infinitif est de mise, mais qu’en revanche, si l'on privilégie un état ou le résultat d'une action, le participe passé est de meilleure facture. Parfois, les deux peuvent faire l’affaire, pour le grand bonheur de nos méninges : « La vieille dame s’est vu menacer (menacer décrit l’action dans son ensemble) ou « La vieille s’est vue menacée » (menacée décrit l’état de notre brave dame d’avoir été menacée). Je vous l’accorde, la nuance est subtile. 

Une fois convaincus du bien-fondé de l'infinitif, vous pouvez passer à l’étape 2 : l'accord (ou non) du participe passé. Vous remarquerez que dans le premier exemple (« elle s’est vu menacer »), je n'ai pas accordé 
«  vu » avec «  elle ». Depuis quand n’accorde-t-on plus un participe passé précédé de l’auxiliaire « être », me direz-vous ? Eh bien ! n’en déplaise à vos lointains souvenirs d'écolier à qui l’on ne disait pas toujours tout, l'accord n’est pas systématique. Dans le cas des verbes naturellement pronominaux ou employés comme tels, « le participe passé (ne) s’accorde avec le complément d’objet direct qui précède (que) si l’être ou l’objet que désigne ce complément fait l’action exprimée par l’infinitif », nous explique Grevisse, exemples à la clé : « elle ne s’est pas sentie mourir », mais « elle s’est senti piquer au cou ». 

A ceux qui n’auraient pas tout compris, je propose un moyen infaillible de ne pas se voir pris au piège : 
— Si le sujet de la phrase ou de la locution fait l’action des deux verbes (le participe passé et l’infinitif), le participe passé s’accorde avec ledit sujet. 
— Si, en revanche, le sujet subi l’action du verbe à l’infinitif, nul besoin d’accord. C’est pourquoi dans l’extrait d’article cité en introduction, il eût été plus correct d’écrire : « Deux élèves de l’École des créateurs se sont vu décerner le premier prix national du concours Jeux reporters pour l’environnement (…) »
Ce ne sont pas les élèves qui décernent, mais bien les membres du jury. Du moins, il en était ainsi autrefois...

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