Il fut une époque pas si lointaine où n’importe quel puriste aurait fait les gros yeux à qui eût osé accoler la préposition « sur » au verbe lorgner. Littré, à l’image de Robert, ce qui n’est pas une mince surprise, continue d’ailleurs à proscrire l’emploi intransitif dudit verbe. On « lorgne quelqu’un, une charge, une place, un héritage », écrit-il. Point de « lorgner sur » à l'horizon.
Mais les temps changent. Du pas très regardant Larousse à la parfois trop sourcilleuse Académie, certains linguistes ont fini par fermer les yeux sur cette entorse grammaticale naguère plutôt mal vue. Au sens de « convoiter quelque chose », le premier propose « lorgner sur l'assiette de son voisin » quand la seconde donne comme exemple « lorgner sur un héritage » dans la 9e édition de son dictionnaire.
Un coup d’œil sur la Toile confirme que la tendance s’est propagée dans les médias :
- « Deux instituts de sondage, Ifop et Opinion Way, lorgnent sur la commune d'Épernay et notamment trois de ses bureaux. » (L’Union)
- « Le Cojo, qui lorgne sur le centre national de Châteauroux, à quelques 270 km au sud de Paris, y est encore retourné le week-end dernier. » (Le Figaro)
- « (…) ... à côté d'une Chine qui lorgne sur le bois, l'eau, les terres agricoles… (Le Monde)
Alors, faut-il se laisser porter par l’usage et refuser de regarder la grammaire par le petit bout de la lorgnette ?
À vous de voir.
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