Lu il y a une dizaine de jours : « "Lors de son dernier match à Chambéry, parce que, et je crois que c'était toujours le cas, c'était la première fois qu'un joueur ait droit à une sortie pareille lors d'une rencontre officielle de championnat. Ce n'était pas un jubilé ! » (clicanoo.re)
« Il faut réserver ‘’jubilé’’ à l’idée de 50 ans, de cinquantenaire. » Ce n’est pas moi qui le dis mais Joseph Hanse, pourtant pas réputé pour être le plus bégueule des linguistes. Inutile de préciser, mais je le précise quand même au cas où vous en douteriez, que l’Académie et Littré partagent son sens de ladite fête. Voir Jean-Paul Colin s’inviter au repas des conservateurs est plus étonnant quand on sait que la maison Robert, pour laquelle il roule, ne s’embarrasse plus de tels préjugés temporels, pas plus que celle d’en face, Larousse, mais cela aussi, dois-je le préciser ? Il y a en effet beau temps que les Dupond et Dupont de la langue française se sont affranchis de la notion de demi-siècle pour élargir l'acception du mot à toute cérémonie, petite ou grande, célébrant un « événement marquant de la vie ».
À leur décharge, l’histoire n’est pas très claire sur la question. « Jubilé » est issu du latin jubilaeus, et en remontant plus loin dans le temps, de l’hébreu jobhel, qui désignait un bélier, une corne de bélier, une trompette en corne de bélier, nous dit le Dictionnaire historique de la langue française du regretté Alain Rey. Par métonymie, la religion hébraïque en a fait une « solennité publique de la loi mosaïque qui se célébrait de cinquante ans en cinquante ans, et lors de laquelle toutes sortes de dettes étaient remises, tous les héritages restitués aux anciens propriétaires et tous les esclaves rendus à la liberté » (Académie).
Puis, la religion catholique l’a employé au sens d’ « indulgence plénière, solennelle et générale, accordée par le pape pour un an, en certains temps et en certaines occasions ». Exit donc la référence au demi-siècle.
Cette dernière est bien réapparue dans la sphère laïque pour fêter le cinquantenaire de l’entrée dans une fonction ou d’une profession » mais il semble qu’aujourd’hui, l’usage courant se soit une fois pour toutes allégé du poids des ans.
Suisses, Belges, Québécois et bien sûr Anglais (avec leur jubilee) se sont montrés moins timorés que leurs cousins, voisins, amis ou ennemis gaulois. Témoin, le récent jubilé de platine organisé pour les 70 ans de règne d’Elizabeth II, une fiesta en l’honneur de l’inoxydable et royale « granny » qui, si j’en crois certaines mauvaises langues — sans doute ceux qui n’y étaient pas conviés — aurait plombé l’économie britannique. Mais chut ! Ne le répétez pas.
Pour terminer ce billet, totalement gratuit lui, je dirai que de nos jours, le mot « jubilé » n'est plus à la fête, sauf peut-être dans le milieu sportif où il est presque devenu un réflexe langagier dès qu’il s’agit de désigner la cérémonie célébrant le départ à la retraite de quelque joueur, entraîneur ou dirigeant de club ayant marqué son époque.
Tiens, au fait, je m’apprête à quitter le journal qui est le mien depuis 30 ans. Pour l’occasion, je compte bien convier prochainement mes amis à faire ripaille. Certains de mes collègues en jubilent déjà.
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