Classé sans suite

Lu le jeudi 15 septembre : « Armand Adolphe a de suite accepté et espère retrouver rapidement un emploi de peintre en bâtiment, maintenant qu’il a un domicile avec une adresse. » (Le Quotidien de La Réunion)

Je venais à peine de me plonger dans l’article de mon ancien collègue du Quotidien que la formule heurta mon esprit ergoteur. Sauf erreur de ma part, malgré leur indéniable ressemblance physique et des gènes communs, les locutions « de suite » et « tout de suite » n'ont pas donné le même sens à leur vie. La première signifie en effet « d’affilée », la seconde, « immédiatement ». « Il faudra donc se garder de dire ‘’Je reviens de suite’’, qui n’a guère de sens », met en garde l’Académie, suivie par la majorité des linguistes.
La majorité, mais pas la totalité. C’est là qu’est le hic. Littré, que j’ai parfois du mal à suivre, fait par exemple de ces deux tournures des expressions interchangeables au sens de « sans délai ». Il rejoint ainsi l’usage qui, avec la caution de nombreux bons auteurs, n’affiche pas autant de scrupules que les puristes.
Le très sérieux Office québécois de la langue française ne s’étonne pas de cette confusion, très courante de nos jours. Il serait même prêt à la justifier. « Les locutions ‘’de suite’’ et ‘’tout de suite’’ ont toujours été proches l'une de l'autre. D'ailleurs, au XVIIe et au XVIIIe siècle, la locution ‘’tout de suite’’ était employée dans le même sens que ‘’de suite’’ », nous explique-t-il. « De suite » et « tout de suite » seraient donc deux siamoises que le temps a séparées. Après tout, n’est-ce pas mieux ainsi ? « L'ancienne vie a bel et bien disparu, et c'est perdre son temps que de chercher à la retrouver… », disait George Orwell.