Lu ce matin : « Un autre rajoute : "Ce sont des générations entières qui passent à côté de ce temple aujourd’hui pour le découvrir et le redécouvrir, c’est quelque chose de très marquant’’ ». (linfo.re)
Ça y est, voilà mon esprit trop cartésien qui me (re)fait des misères. Autant vous l'avouer, alors que je viens de fêter mes 60 hivers tropicaux, je ne parviens toujours pas à me faire à l’idée qu’un mot pluriel ne puisse avoir de singulier. Suivez mon regard : décombres, fiançailles, bestiaux, environs… Selon la même rigidité arithmétique, je ne comprends pas que le terme « reprise » soit devenu synonyme de « fois » (pour moi, dire à deux reprises équivaut à dire trois fois, la reprise étant par définition la deuxième fois). Sachez aujourd'hui qu'il m’est tout aussi douloureux de concevoir que l’on rajoute sans avoir au préalable ajouté. En effet, il me semblait relever de la plus pure des logiques qu'un verbe affublé du préfixe « re » (ou « ré » ou simplement « r » pour les verbes commençant par une voyelle) décrivît la nouvelle version d'une action déjà réalisée au moins une fois.
Au nom de ce principe frappé au coin du bon sens qui veut qu'avec courage, vous ne relisiez mes modestes billets que si vous les avez déjà lus, je pensais bien naïvement que « rajouter » était censé signifier « ajouter une nouvelle fois ». Vous aussi ? Eh bien ! non, figurez-vous. À l’entrée « rajouter » de son « grand » dictionnaire, vous savez, celui qui est (r)empli de jolies images, Larousse indique : « dire en plus, après coup ». Et à l’entrée « ajouter », il écrit : « dire en plus de ce qui a déjà été dit ». Autrement… dit, « ajouter » et « rajouter » sont bonnet blanc et blanc bonnet. Si les linguistes le disent... Rien à redire, donc, si ce n'est que ça me rend et me (re)rend mal à l'aise, Blaise (Pascal) !
Dieu merci, je ne suis apparemment pas le seul à m'étonner de telles incohérences. En réponse à la question d’un internaute, un « grand maître » du site Projet Voltaire écrivait récemment ceci : « Ajouter, c’est prendre ou mettre quelque chose en plus. Rajouter, c’est le faire une deuxième fois. Donc au total, trois fois…en comptant la première. Voilà pourquoi ajouter suffit en première intention comme entrer, venir, etc. Le préfixe « re » est bien généralement la marque d’un doublement et non d’un redoublement. Son emploi fautif est largement répandu. »
Le seul hic, c’est que quelques messages plus loin, un autre « grand maître » du même site (mais combien sont-ils ?) s’empressa de (re)prendre de volée le premier : rajouter « exprime, avec ou sans nuance augmentative, le même procès que la forme simple ajouter ».
Pas facile de s'y retrouver ! En tout cas, si nos « grands maîtres » des ténèbres voulaient ajouter un nuage de confusion dans l’esprit déjà obscurci de leur internaute en quête de lumière, c’est gagné !
Est-il besoin d’en rajouter ?
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