samedi 17 septembre 2022

Sens interdit ?

Lu samedi 17 : « Pour les usagers (piétons, cycles et cyclomoteurs) interdits de circuler sur la RN1, un aménagement sécurisé sera mis en place au droit du chantier pour permettre leur passage sur la RN1A. » (linfo.re)

Ce matin, je suis resté interdit devant ce communiqué du Centre régional de gestion du transport publié sur le site l’info.re, dans le cadre du Tour de l’île cycliste. Et j’imagine que vous aussi, pour peu que vous fassiez partie de ceux qui l’ont lu. Quoique… La faute est à ce point entrée dans l’usage qu’elle finit par passer inaperçue. Si faute, il y a… Et pour tout dire, je n’en suis toujours pas convaincu. 

Je le confesse, j’aurais écrit, plus par réflexe que par intime conviction : « les usagers soumis à l’interdiction de circuler sur la RN1A ». Tout simplement, parce que lorsque je consulte les dictionnaires, je n’y trouve qu’interdits de séjour, d’antenne, d’accès ou bancaires, ce que je ne vous souhaite pas de devenir un jour. Rien, en revanche, me laissant penser qu’il est également autorisé de faire suivre la locution « interdit de » d’un verbe à l’infinitif. Mais je l’ai maintes fois constaté, quand ils n’osent pas dire de ne pas faire, les linguistes ont le chic pour nous inciter à faire autrement. Une stratégie d’évitement qui nous renvoie à un proverbe bien connu : qui ne dit mot consent. 

D’ailleurs, les définitions qu’ils proposent tendent à le confirmer. Est « Interdit »  qui est « frappé d’interdiction », selon Robert, ou qui est « l’objet d’une interdiction » nous dit en écho Larousse. Dès lors qu’une personne peut être « frappée d’une interdiction de circuler », pourquoi serait-il impropre de dire qu’elle en est interdite ?  Parce que « s'il est possible en effet d' ‘’interdire quelqu’un’', et au besoin ‘’de quelque chose’’ (ce qui revient à « le destituer, le suspendre de ses fonctions, le priver de ses droits »), il semble plus difficile d’ ‘’interdire quelqu'un de faire quelque chose’’ », répond le linguiste Bruno Dewaele. « On ne peut en effet, en français correct du moins, que le lui interdire (au sens cette fois de « défendre, empêcher »). Or, seul un verbe transitif direct (qui se construit, partant, avec un COD) est habilité à subir une transformation passive : dès lors que l'on ne peut interdire les gens d'exercer (c'est ‘’aux gens’’ qu'il faudrait dire), ces derniers ne sauraient décemment, à mon sens, ‘’être interdits d’exercer’' ! » argumente l'ancien champion du monde d'orthographe.

J’entends d’ici certains soixante-huitards nostalgiques me rétorquer que de toute façon, il est interdit d’interdire. Combattant l’anarchie tout autant que la dictature, je ne les suivrai pas sur cette voie pavée et cahoteuse. En revanche, je ne m’interdis pas de penser que dans un avenir pas très lointain, nos accueillants dictionnaires accorderont ouvertement le droit d’asile à la tournure critiquée. 
En français, comme en cyclisme, la roue finit toujours par tourner.

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