jeudi 27 octobre 2022

Migraineux s'abstenir !

Lu lundi : « Un conducteur de bus a été contrôlé avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite » (Zinfos974)


Lu aussi, ces dernières vingt-quatre heures, dans la presse nationale : 

  • « Concrètement, pour être en règle, un chasseur devra avoir un taux d'alcoolémie inférieur à 0,5 gramme par litre de sang. » (Le Figaro)
  • « ''Il est inadmissible de chasser avec un taux d'alcoolémie égal ou supérieur à ce qui est accepté pour les automobilistes {…}'' » (L'Yonne républicaine)
  • « Ses propositions, qui portent sur l'instauration d'un taux d'alcoolémie maximum ou la mise en place d'un angle de tir de sécurité, ne font pas l'unanimité… » (La Dépêche)

Taux d'alcoolémie par-ci, taux d'alcoolémie par-là, l'expression est aujourd'hui consommée sans modération. Dans l'usage courant, comme dans les médias. Une tendance à l'excès qui n'est pas du goût de tout le monde. « À chasser de notre quotidien », prohibe fermement Le Figaro qui semble avoir oublié de balayer devant sa porte (voir ci-dessus), quand Le Monde pousse au crime, incitant ni plus ni moins ses lecteurs à lui « faire un sort ». 


L'attelage est-il à ce point condamnable ? La réponse à cette question n'est pas aussi claire que l’eau de Vittel. Elle mérite en tout cas d'être posée tant blogs et sites consacrés à la langue française fourmillent, sur le sujet, de discussions de comptoir enflammées. Vil pléonasme, pestent les uns ; expression en tous points convenable, rétorquent les autres. 

Une fois n’est pas coutume, Larousse et Robert ont décidé de boire au même tonneau. Le premier définit l’alcoolémie comme la « concentration d’alcool » dans le sang ; le second préfère y voir un « taux d’alcool », ce qui d'un point de vue sémantique, vous en conviendrez, revient grosso modo au même. Peu importe les mots pourvu qu’on ait… l’ivresse. Alain Rey, quant à lui, a opté pour le terme « teneur », autrement dit, « ce qu’un corps contient d’une matière déterminée (mesurée en %) », précise Larousse. 


Voilà donc de quoi envoyer notre taux d'alcoolémie croupir dans les cachots de l'oubli. Sauf que l’Académie et Littré nous servent un tout autre breuvage. L’alcoolémie est « la présence d’alcool éthylique dans le sang », définissent-ils sobrement, essuyant d’un coup de torchon toute notion de taux, de teneur ou de concentration. Exemples : « mesurer le taux d’alcoolémie d’un conducteur » (Littré), « un taux d’alcoolémie trop élevé », nous disent les Immortels, qui semblent cependant se contredire en proposant à l’entrée « glycémie » : « taux de glucose dans le sang ». Présence ou taux, y aurait-il deux poids, deux mesures ? Le débat est loin d'être clos. Migraineux s'abstenir !


Petit message à tous les sadomasochistes de la langue française qui auraient quelque envie de souffrir : l'excellent site hebdomadaire d'information « Parallèle Sud », animé par une poignée d'anciens et talentueux journalistes du Quotidien, publiera à partir de demain une de mes modestes chroniques. Venez donc nous y rejoindre, la porte est grande ouverte.   

Parallèle Sud : https://parallelesud.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'est pas olympien qui veut

Lu il y une dizaine de jours : « Quelque 300 d'entre eux, olympiens et paralympiens, vont défiler sur le haut de cette avenue mythique d...