vendredi 7 octobre 2022

Quand l'orthographe y laisse des plumes

Lu hier : « Epidémie : 3 basse-cours réunionnaises touchées par l'influenza aviaire » (linfo.re)

Hier, comme chaque matin, je picorais sur le web quand je suis tombé sur un article de l'info.re m'informant que la grippe aviaire venait de s'inviter dans nos élevages péi. Mon premier réflexe fut de me dire que je risquais d'y passer, moi qui, avec l'âge, ai pris l'habitude de me coucher avec les poules. 
De façon plus sérieuse, si le fond du sujet ne me laisse évidemment pas indifférent, je n'ai pu m'empêcher de glousser sur la forme, en l'occurrence sur ces « trois basse-cours » de toute évidence pas seulement touchées par « l'influenza aviaire ». 
Je sais, vous allez me rétorquer que dans l'urgence, on ne pond pas un article sans casser des œufs. Certes, mais j'ai la faiblesse de croire que l'erreur commise n'aurait pas dû passer sous le bec d'un correcteur orthographique normalement constitué. Elle était d'autant plus facilement détectable que la règle de grammaire concernée est suffisamment claire pour qu'une poule y retrouve ses poussins.

Que dit-elle, cette règle ? Que lorsqu'un mot composé est formé de deux noms, de deux adjectifs ou d'un adjectif et d'un nom, les deux termes s'accordent en nombre. Exemples : des bateaux-mouches, des sourds-muets, des ronds-points. Au pluriel, « basse-cour » devient donc « basses-cours ». En revanche, seul le nom prend la marque du pluriel lorsqu'il est accompagné d'un élément invariable (verbe, adverbe, préposition, élément savant, apocope) ou lorsqu'il entre dans la composition d'une phrase lexicalisée. Exemples : des tire-bouchons, des roues-arrière, des micro-ondes, des je-ne-sais-quoi. 

Mais une règle de français ne serait pas une règle de français sans son lot d'exceptions. Dieu merci, ces dernières sont frappées au coin du bon sens. Elles concernent les mots composés dont le dernier élément, bien que potentiellement variable, n'a de sens qu'au singulier. Exemples : des chasse-neige (il n'y a qu'une neige) ou des pare-soleil (il n'y a qu'un soleil). Entrent dans cette catégorie : années-lumière, timbres-poste, chefs-d'œuvre, pauses-café, soutiens-gorge, brise-glace, gratte-ciel ou encore porte-parole. 
Sous couvert de simplification, la réforme de l'orthographe de 1990 a toutefois cru bon de conseiller l'accord systématique du second élément, s'il s'agit bien sûr d'un nom. La recommandation a provoqué une levée de boucliers chez les linguistes et n'a — heureusement — rencontré qu'un très faible écho dans l'usage. On ne peut que s'en réjouir. Dans le cas contraire, nul doute que la langue française y aurait laissé des plumes.  

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