Lu il y a trois jours : « L'évènement organisé par le Kartel Prod accueillera notamment la Grande roue parmi ses nombreux manèges. » (linfo.re)
La phrase ci-dessus, publiée il y a trois jours sur le site linfo.re, ne comporte pas de fautes. Disons, pas de grosses fautes car pour tout vous dire, je ne vois pas l'utilité d'avoir affublé l'adjectif « grande » d'une majuscule à tout le moins superflue. La taille de la lettre n'a jamais fait grandir. Mais allez, une fois encore, je pinaille…
Cette phrase, donc, m'a simplement donné l'envie de me pencher sur une règle ou plus exactement sur une tradition à tout le moins curieuse pour les esprits rationnels que nous sommes : l'absence d'accord de l'adjectif « grand » dans les noms composés « grand-mère », « grand-maman », « mère-grand », « grand-tante », « grand-rue », « grand-messe », « grand-route », « grand-peine », « grand-croix », « grand-vergue», « grand-chose », « grand-salle », « grand-voile » ou dans les expressions « avoir grand soif », « avoir grand faim », « faire grand pitié ». J'ai grand peur d'en avoir oublié…
Avouons que cet accouplement contre-nature entre un substantif femelle et un adjectif mâle a heurté plus d'un d'entre nous. Il constituerait d'ailleurs une faute caractérisée si l'origine de la chose ne remontait à un temps « lontan », « kom di kréol », où « la terminaison de '' grand '' (sans « e ») était la même aux deux genres », argumente la correctrice du Monde Muriel Gilbert, grande connaisseuse devant l'Éternel de la langue française. Il en découle que, bien qu'entré dans les mœurs, l'emploi de l'apostrophe marquant une supposée élision du « e » final de « grande » ne se justifie pas puisque de « e » final, il n'y avait point en ces temps anciens .
Si d'aucuns, tels que le subtil Marc Raynal (site Parler français), objectent qu'il est faux de prétendre que les terminaisons de « grand » étaient jadis identiques, quel que soit le genre de ce dernier (« Le masculin faisait granz, ou grans, au singulier et grant au pluriel, quand le féminin faisait grant, parfois granz, au singulier et granz, ou grans, au pluriel), et rappellent que la forme « grande » n'a pas attendu le XVIe siècle pour apparaître dans l'usage, la plupart des « grant » penseurs de la langue ne s'attardent pas sur ces détails de l'histoire. Ils s'accordent à dire que l'invariabilité en genre dudit mot fait partie de ces vestiges du passé à qui l'on doit le plus grand respect.
Le problème, c'est qu'il suffit d'élargir la question à l'accord — ou non — au pluriel pour que la belle union sacrée vole en éclats. Le traditionaliste Girodet et la non moins conformiste Académie estiment que l'invariabilité du premier élément est d'un meilleur usage (des grand-mères). Robert et Grevisse, au contraire, militent pour d'adoption du « s » final à « grand », suivis par le pragmatique Joseph Hanse pour qui le choix de « grands-mères » serait « logique puisqu'on écrit " grands-pères "», plaide-t-il, argument auquel je souscris sans hésiter. D'autres, comme toujours, à l'instar de Larousse, ne se mouillent pas et laissent le choix.
Alors, que faire ? C'est comme vous le sentez. La porte est grande ouverte (et pas « grand ouverte » comme l'écrivent certains) à toutes les interprétations.
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