mercredi 11 octobre 2023

La bancale entreprise

Lu cette semaine : « Plus concrètement, cet événement avait pour objectif d'offrir aux habitants de multiples services pour favoriser leur démarche d'insertion professionnelle : accompagnement social à la reprise d'activité, dispositifs de formation, de soutien à l'entreprenariat ou à la mobilité… » (clicanoo.re)

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au cours de la semaine écoulée, selon un décompte personnel et néanmoins fiable, 235 sites d'information ont employé le mot « entrepreneuriat ». Le hic, c'est que pas moins de 36% d'entre eux l'ont orthographié « entreprenariat ». Parmi les organes de presse épinglés, quelques enseignes des plus respectables telles que Libération, Ouest-France, La Dépêche du Midi, Le Dauphiné libéré, La République du Centre, Midi libre, Le Télégramme, L'Écho républicain… J'ai même trouvé la faute sur le site du ministère de la Culture. On ne peut décidément plus se fier à personne. 
Fréquente à l'écrit, la confusion l'est encore plus à l'oral. À la décharge des contrevenants, dont je confesse avoir fait partie il y a très, très longtemps, « entrepreneuriat » fait les frais de sa troublante ressemblance avec les nombreux termes en « ariat » qui peuplent notre vocabulaire : actionnariat, notariat, secrétariat, commissariat, partenariat, prolétariat ou encore volontariat. Or, il ne vous aura pas échappé que tous ces vocables ont été construits à partir de substantifs en « aire » (actionnaire, notaire, secrétaire, commissaire, partenaire, prolétaire, volontaire), ce qui n'est pas le cas de notre mot du jour.
Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas l'avoir orthographié sur le modèle de la plupart des dérivés des noms en « eur » ? Professeur, docteur, tuteur ou moniteur ont ainsi donné professorat, doctorat, tutorat et monitorat. Vous ne serez guère étonnés si je vous dis que la réponse à cette question est à chercher du côté d'Albion la Perfide, jamais la dernière à jouer avec les nerfs des puristes. Apparu dans notre vocabulaire en 1988, « entrepreneuriat » n'est en effet rien d'autre que le descendant direct de l'adjectif anglais entrepreneurial (lui-même jadis emprunté au français « entrepreneur »), arrivé en France une quinzaine d'années plus tôt. Peu regardants sur la provenance de la marchandise importée, Robert et Larousse n'ont manifesté aucun scrupule à adouber ce vocable mal formé. En revanche, connus pour leur intolérance aux apports venus d'outre-Manche, l'Académie et Littré ont préféré ne pas s'aventurer dans pareille entreprise. 

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