samedi 15 juin 2024

Des goûts et des accords

Lu cette semaine : « Une bonne centaine de personne (sic) s’est réunie au jardin de l’Etat à Saint-Denis pour l’étape finale du relais de la flamme olympique. » (linfo.re)

Sujet au singulier (une centaine), verbe au singulier (s'est réunie). Tout va pour le mieux dans le meilleur des mots, n'est-il pas ? Eh bien, que nenni ! Le croire serait oublier un peu vite que la langue française est championne olympique de la subtilité – ou de la torture de cerveau – et que le sujet dont il est question est justement un drôle de sujet. Au même titre que « bande, foule, horde, multitude, nuée, partie, majorité, colonie, cortège, nombre, ribambelle, totalité, troupeau » et des dizaines d'autres, « centaine » est en effet ce que l'on appelle un nom collectif, en décrypté, « un nom au singulier représentant une quantité plurielle d'individus ou d'objets », éclaire de sa flamme Le Robert en ligne.
Lorsqu'il est employé seul, le nom collectif est naturellement suivi d'un verbe au singulier. « La troupe bivouaquait près de la rivière. » Une exception (déjà !) : la locution « la plupart », qui, employée sans complément ou avec un complément au pluriel, exige un accord verbal au pluriel : « la plupart sont encore en vie », « la plupart des personnes interrogées sont toujours en vie ». Mais on écrira à bon droit : « La plupart de son temps libre est consacré au sport. » Fin de la parenthèse. 
Pour tous les autres noms collectifs, de deux choses l'une : ou ledit nom est précédé par un déterminant défini, possessif ou démonstratif et c'est lui qui guide l'accord (« La foule des manifestants s'est dirigée vers l'hôtel de ville), ou il est précédé par un déterminant indéfini (un, une) et dans ce cas, l'accord ne dépend plus des règles grammaticales mais du sens et de la logique de la phrase, on parle d'accord par syllepse, déjà évoqué dans un billet publié il y a un peu plus de deux ans (https://moucatalire.blogspot.com/2022/03/laccord-moitie-vide-moitie-plein.html). Il faut alors se poser la question suivante : qui cherche-t-on à mettre en exergue : le nom collectif ou son complément ? 
Exemples : 
« Une foule de manifestants s'est dirigée vers l'hôtel de ville » (les manifestants sont ici considérés comme un tout, on met donc l'accent sur la foule).
« Une foule de manifestants se sont exprimés contre la réforme des retraites » (les manifestants sont cette fois considérés dans leur pluralité : chacun s'exprime contre la réforme). 
Il est à noter que dans de nombreux cas, l'accord peut se faire tout aussi bien avec le nom collectif qu'avec le complément. Tout dépend de l'intention de l'auteur. « Un grand nombre de soldats fut tué dans ce combat », écrit Littré ; « un grand nombre de soldats périrent dans ce combat », préfère l'Académie. Des goûts et des accords…

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