« On est sur un pied de cochon au vin », « sur un appartement avec deux chambres et vue sur la mer », « sur un dispositif échelonné sur trois ans », « sur un accompagnement global des mineurs étrangers », « sur une estimation basse du prix de la maison »… L'usager de la langue est décidément un sacré acrobate. Il est aujourd'hui capable de se jucher sur à peu près tout et n'importe quoi, si j'en juge par la prolifération de l'expression « on est sur ». Objet d'une véritable success-story, la bougresse a supplanté les locutions « c'est » ou « il s'agit de », jugées sans doute trop ringardes. Si les secteurs de la cuisine et de l'immobilier en ont été les précurseurs, via certaines émissions télévisées plus connues pour leur souci du bien-manger ou du bien-se loger que pour leur respect du bien-parler, cette agaçante propagation n'épargne plus aucun domaine d'activité.
J'imagine la tête des puristes, lesquels étaient naguère montés sur leurs ergots pour condamner les tournures du type : « je vais sur Bordeaux » ou « je travaille sur Marseille ». « La préposition sur ne peut traduire qu’une idée de position, de supériorité, de domination, et ne doit en aucun cas être employée à la place de à ou de en pour introduire un complément de lieu désignant une région, une ville et, plus généralement, le lieu où l’on se rend, où l’on se trouve », avait mis en garde l'Académie dès 2011.
Inutile de dire que cette nouvelle mode langagière a porté sur les nerfs de nombreux linguistes, qui n'ont pas manqué de le faire savoir. Étonnamment, les Académiciens ne se sont pas encore prononcés sur le sujet. Le feront-ils avant que les dictionnaires usuels cèdent une fois de plus sous le poids de l'usage et adoptent la formule critiquée ? Avec nos chers Immortels, on n'est jamais sûr de rien.